Revue de gestion du personnel médical et hospitalier des établissements de santé

EDITO

L'expérience de gestion déléguée aux pôles, suites

 

Clémence ZACHARIE

Maître de conférences associée, IAE Paris Est,

UMR 7106 - CNRS/Université Panthéon-Assas

A titre expérimental, le CHU de Nice met en place depuis le début de l'année 2024 la « gestion polaire », suivant la trace du CH de Valenciennes. Dans un temps relativement bref ont été signés en janvier une « charte de gouvernance » opérant le transfert aux pôles des compétences de management qui étaient auparavant détenues par la Direction générale, ainsi qu'une délégation de signature vers les chefs de pôle. Si la chose a été largement commentée, elle ne l'a peut-être pas été pour de bonnes raisons, soulevant parfois des inquiétudes ou interrogation qui appellent des éclaircissements.

L'idée de la médicalisation de la gouvernance hospitalière allait pourtant de soi. La polarisation et le transfert de la gouvernance sont la conséquence naturelle de l'ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 créant les pôles, qui évolueront avec les lois de 2009 et 2016, quelques souplesses étant au fur et à mesure introduites jusqu'à ce que la loi Rist pose le principe de liberté d'organisation interne des hôpitaux. De cette succession de texte découle l'idée d'une déconcentration des décisions et de la gestion au plus près du fonctionnement quotidien de l'hôpital afin d'améliorer la prise en charge des patients en simplifiant les décisions.

De là à parler d'une réelle « médicalisation de la gouvernance », le pas a peut-être été facilement franchi. Elle demeure relative par la réalité juridique des compétences envisagées, mais aussi par l'évolution du contexte réglementaire. La médicalisation de la gouvernance, appelée des voeux de nombreux praticiens, était annoncée dès l'ordonnance de 2005, en même temps qu'a été posé le principe de la polarisation et celui de la signature d'un contrat de pôle, afin d'organiser une délégation de gestion. Si le rôle du président de la commission médicale d'établissement est renforcé (il nomme avec le directeur les chefs de pôle) et avec lui le pouvoir des soignants, il ne faut pas oublier que d'une part, le chef de pôle n'exerce qu'une autorité fonctionnelle sur les personnels du pôle, et que d'autre part, la délégation polaire n'est qu'une délégation de signature et non un réel transfert de compétence : l'autorité responsable reste bien le directeur d'hôpital. Mais surtout, l'ordonnance n° 2021 -291 du 17 mars 2021 relative au groupement hospitalier de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital, tout comme la loi RIST, restaurent le service hospitalier et avec lui un problème de lisibilité de l'organisation hospitalière. Si le pôle est officiellement investi d'un réel pouvoir de gestion, le service et son chef sont eux-mêmes fortement revalorisés sans que de réels moyens juridiques ne leur soient alloués. D'ailleurs, le chef de service peut toujours être révoqué, sur proposition du chef de pôle. Dans les faits, est-il cependant concevable de voir un praticien, souvent d'expérience et bénéficiant d'une forte légitimité ainsi remercié ? Probablement pas. L'expérience de Nice est donc déterminante pour que soient appréhendés les grands équilibres d'une réforme de la gouvernance peut être - enfin - achevée. On peut en tout cas l'espérer.

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