Revue de gestion du personnel médical et hospitalier des établissements de santé

EDITORIAL

L’inflation législative, maladie chronique du secteur sanitaire et de l’hôpital dont même les crises politiques ne guérissent pas

 

Clémence Zacharie

Maître de conférences associée en droit public, IAE Paris Est,
CERSA CNRS UMR 7106

Un éditorial de rentrée est normalement un exercice de style assez confortable, notamment en matière hospitalière : projets, perspectives, grands mouvements RH, marronnier de la loi de financement de la Sécurité sociale. Les sujets sont récurrents, confortables, faciles. Ils le devraient, mais ne le sont guère depuis un an, voire plus. Et ce, pour des raisons qui pourraient paraître antinomiques, mais arrivent à se conjuguer pour générer ce que d'aucuns considèreraient comme un réel chaos normatif, ayant pour cible la fonction de gestion du personnel.

La première raison risque elle-même de devenir un marronnier de bon nombre de secteurs d'activité, à savoir l'instabilité gouvernementale dont les effets sont en tout point délétères. Est-il besoin d'énumérer les conséquences, nombreuses, de la dissolution et de ses répercussions sur le fonctionnement des structures administratives et notamment des structures de soin ? La succession des blocages politiques génère le nécessaire ralentissement des politiques publiques et notamment des réformes en cours qui peuvent rester indéfiniment en attente. Le secteur de la santé en constitue une belle illustration. La récente censure du gouvernement de François Bayrou ne fait qu'accentuer ce constat. L'ancien Premier ministre avait alors utilisé le vocabulaire du soin pour faire état d'un
« pronostic vital engagé » lors de son discours du 8 septembre, justifiant, pour mener à bien un plan de désendettement sur quatre ans atteignant le seuil de 3 % du déficit public en 2029, le gel de la masse salariale, une année blanche et la diminution de 5,5 Md€ les dépenses de santé en 2026. Ce gouvernement est tombé, et avec lui les solutions envisagées, mais aussi l'ensemble des mesures réglementaires en cours d'élaboration, dont le doublement des franchises et des participations forfaitaires proposés par le Gouvernement dans cet effort budgétaire. Or, dans les commentaires politiques de cette situation, très peu de référence à la santé et à l'hôpital, entre autres, qui subissent de plein fouet cette incertitude. En effet, comment mener une politique RH solide sans sécurité économique et financière ? Comment relancer l'attractivité pour un secteur qui se heurte à un total manque de visibilité, notamment en termes d'investissement ? Car c'est entre autres cette incapacité à investir qui a entrainé la dégradation de l'hôpital public, parmi tant d'autres raisons malheureusement.

La seconde raison reste une inflation normative qui ne semble pas vouloir s'arrêter, et avec elle l'absence totale d'intelligibilité du secteur sanitaire. Ainsi du projet annoncé par le nouveau gouvernement et de la création du réseau France Santé à venir pour 2027, dont on peut craindre qu'il ne sollicite une fois de plus l'intervention-relai de l'hôpital public. Il s'agit d'un bel exemple de cette capacité administrative à ajouter une nouvelle pierre à un édifice sanitaire déjà assez baroque, plus proche néanmoins du Facteur Cheval que de Vaux le Vicomte. Un tel constat de rentrée fait craindre que beaucoup ne rêvent qu'à leurs futures vacances...

 
Au sommaireN°186
Octobre 2025

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